Écrire est un métier – La figure de l’écrivain·e : (dé)considérations

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Écrire, c’est de l’art. C’est de la technique aussi. Des considération financières également. Mais aussi une relation particulière avec la société. Parce que comme beaucoup d’activités fantasmées, l’écriture est un métier souvent mal compris…

Dédicace… à soi-même

« Tu veux faire quoi quand tu seras plus grande ?
— Écrire des romans !
— Mais c’est pas un métier, ça ! Tu feras ça à côté de ton vrai métier. »

Ces paroles ne sont pas tirées d’un roman, mais de la vie réelle. Ce sont des mots que j’ai entendus lorsque j’avais à peine dix ans. Autant vous dire qu’après ça, aller au bout de l’écriture de mon premier roman a été un long combat. Comme je l’ai dit dans le précédent billet, l’écriture de romans est intrinsèquement très difficile du fait de l’endurance énorme nécessaire. Mais quand, en plus, on vous explique que vous ne pourrez pas vous y consacrer à plein temps et que vous devrez le faire à côté, sur de petits bouts volés de votre temps libre, on comprend tout de suite pourquoi l’écriture d’un seul roman finit par s’étaler sur plus de dix ans.

À l’heure actuelle, toute sa vie, l’écrivain·e s’entend dire qu’écrire n’est pas un vrai métier. Que ce soit sa famille qui voudrait qu’iel gagne beaucoup d’argent avant que d’être épanoui·e, la société qui croit qu’écrire est un passe-temps amusant et facile, l’État et les maisons d’édition qui refusent de payer les auteur·rices pour leur travail (mais qui veulent bien leur demander de l’argent, en revanche)… le monde entier lui montre que sa vocation ne mérite aucune considération. Dès lors, à l’endurance demandée intrinsèquement par la longueur technique de l’exercice, s’ajoute une ténacité pour résister à une telle pression psychologique.

Je ne dois mes livres qu’à moi-même et à mon lectorat, parce que le reste du monde ne cesse de répéter qu’écrire n’est pas un vrai métier. J’ai dû écrire contre les injonctions de toutes parts à me concentrer à une carrière plus « solide », à des activités plus sociales, à des considérations plus « terre à terre »… Car une chose est sûre : on n’écrit pas des romans en n´y consacrant pas beaucoup de temps, en n’étant pas capable de rester des heures solitaires avec sa plume et sa feuille et en ne sachant pas se laisser rêver à l’improbable.

Des obstacles exogènes

Écrire prend du temps. Beaucoup de temps. Énormément de temps. Les heures nécessaires pour produire cet objet qui tient dans la main sont si nombreuses que le résultat en paraît dérisoire. Quand j’étudiais les sciences, on évoquait souvent le fait que, pour certaines, et notamment en astrophysique, les équipes de recherche pouvaient passer des décennies à travailler sur un seul et même projet, tant le temps de réalisation est long comparé à d’autres métiers où les projets se comptent en centaines sur une seule année. Eh bien, l’écriture tient la comparaison.

Seulement voilà : dans notre société actuelle, tandis que vous écrivez, vous ne gagnez rien. Or, contrairement à ce que raconte la légende urbaine, l’écrivain·e ne vit pas dans une forêt d’air pur et d’eau de pluie. L’auteur·rice doit donc gagner de l’argent avec autre chose en attendant de pouvoir le faire avec ses livres. Ce qui, finalement, ne laisse pas beaucoup de temps pour écrire…

Mais encore, si le temps suffisait pour écrire ! Car non, ce n’est pas parce que je me pose devant mon cahier ou mon ordinateur que les mots pleuvent sur commande. J’en ai parlé dans le premier billet de cette série, parfois l’inspiration manque cruellement. À ces égards, le lectorat peut parfois se montrer impitoyable. Si vous ne produisez pas, ne faites pas acte de présence, il peut rapidement se détourner de vous pour chercher des stimulations à plus haute fréquence. Or la présence du lectorat, son attente, ses encouragements, ses espoirs… sont une partie de la motivation qui vous fait tenir le marathon. C’est un coup dur lorsque vous émergez à peine ; pensez donc lorsque vous commencez et que vous n’avez pas encore de lectorat ! Vous devez trouver la motivation ailleurs, croire en vous-même envers et contre tout, sans quoi rien, absolument rien ne fera glisser le stylo sur les pages.

L’écriture, plus qu’un métier

Pour moi, l’écriture est un vrai métier, pas un simple divertissement. On peut débattre des heures sur la définition d’un métier ou d’un divertissement. Mais dire que les personnes qui écrivent ne font que s’amuser et qu’à ce titre elles ne méritent pas une considération professionnelle (et par là, j’entends autant sociétale que financière) me semble une preuve flagrante d’ignorance de la réalité de cette activité.

Plus encore qu’un simple métier (ce qui est déjà beaucoup en soi), l’écriture est pour moi un véritable combat. Combat contre moi-même, pour conserver ma motivation et aller au bout de mes idées. Combat contre le temps pour écrire tous les jours et achever mes manuscrits. Combat contre le sentiment de défaite quand je suis solitaire devant ma page blanche ou sur ma propre page Facebook.

Mais surtout, l’écriture est comme l’air dans mes poumons ou le sang dans mes veines : je ne pourrais pas arrêter d’écrire même si je le voulais ! Écrire me permet d’évacuer mes émotions, d’exprimer mes idées, de garder espoir en des mondes meilleurs, bien sûr… Mais lorsqu’une idée me vient et qu’elle me dit de son ton à la fois calme et impérieux « tu dois l’écrire, maintenant », elle ne me dit pas de le faire pour une raison ou une autre. Elle me dit de le faire parce qu’elle existe, tout simplement. Cette seule raison suffit à me pousser à ne pas l’abandonner.

Est-ce parce que la plupart des gens exercent un métier qui ne les passionne pas qu’ils oublient à quel point on peut aimer le sien ? Peut-être devrions nous cesser de mesurer le mérite à l’aune de la souffrance et considérer un peu plus la dimension d’amour et la passion non comme un confort accessoire mais comme un objectif central…

D’ici la victoire des auteur·rice·s, j’espère parvenir à vous faire encore rêver avec mes romans faits selon mes moyens, mais toujours avec amour et passion !

À très vite !

ST

Publié par Sarah Touzeau Romans

Romans fantasy et science-fiction

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