Les factions dans la fiction : choisis ton camp !

On ne choisit pas sa famille… mais on choisit ses ami·e·s ! Parfois, la fiction nous montre des héros et héroïnes solitaires, d’autres fois ce sont des groupes soudés, qui peuvent atteindre un grand nombre de membres. C’est parti pour un petit tour d’horizon des factions qui ont pu m’inspirer pour mes romans ! Et vous, vous rejoindriez laquelle ? 😉

Factions choisies

Quand je pense factions, je pense d’abord équipes : celles qu’on choisit de rejoindre parce qu’on se retrouve dans ses valeurs, ses objectifs ou ses membres. Ces groupes constituent alors des familles choisies, un nouveau chez soi où l’ont se sent bien et où on trouve sa place.

Les guildes en sont un bon exemple : équivalent fantasy des clubs et autres associations, elles rassemblent une diversité d’individus autour d’une activité ou une passion commune, à laquelle s’ajoutent des coutumes, des pratiques, voire un certain dogme pour les guildes les plus hiérarchisées et organisées. Qui dit guilde, dit Fairy Tail ! Dans ce manga, au lieu d’une unique guilde de la magie, ce sont des dizaines et des dizaines qui font parfois figures de véritables équipes sportives.

Mais qui dit guilde pense aussi The Elder Scrolls ! Dans cette série de jeux vidéo, les guildes offrent non moins que les meilleures séries de quêtes secondaires à mes yeux. En particulier, la Confrérie noire de Cyrodiil dans Oblivion et la guilde des voleurs de Bordeciel dans Skyrim restent dans mon esprit comme les trames narratives les plus épiques de ces deux jeux. Mais le système de factions dans The Elder Scrolls ne s’arrête pas aux guildes, loin de là ! Dans Skyrim, vous pouvez notamment rejoindre l’Empire ou les Sombrages dans le cadre de la guerre qui fait rage ; dans The Elder Scrolls Online, le conflit concerne tout Tamriel et vous offre trois factions : l’Alliance, le Domaine et le Pacte. Ces systèmes d’équipes ouvrent autant la voie à des affrontements multijoueurs qu’à des suites de quêtes passionnantes. Sans oublier la rejouabilité si vous décider d’explorer chacune des factions…

La guerre est d’ailleurs souvent le premier prétexte à la constitution de factions. On pensera par exemple aux jeux Final Fantasy X et X-2 qui, s’ils ne vous proposent pas spécialement de rejoindre les différents groupes qui s’affrontent, vous demandent parfois de prendre parti pour l’un d’entre eux, ce qui modifie la trame de l’histoire. Mais les factions peuvent aussi se constituer dans un cadre moins guerrier, comme les maisons de Poudlard ou les cultes divins en Terre de Fangh… Dans tous les cas, c’est au sein de sa faction que l’on trouve les meilleurs personnes alliées pour former une équipe de choc… même si les alliances inter-faction sont légion et donnent lieu à moult synergies et rebondissements palpitants.

Factions subies

Parfois, cependant, l’appartenance à une faction ne résulte pas d’un choix. La formation de groupes nommés dans la population peut se faire pour bien d’autres raisons que des intérêts communs. La division peut être politique par exemple : les districts de Hunger Games et les factions de Divergente sont d’abord des constructions administratives et étatiques, qui finissent toutefois par rassembler les populations concernées en des identités plutôt distinctes, que viendront tenter de briser les héroïnes de ces romans…

La division peut aussi être simplement géographique ou ethnique. On pense aux différents villages de Naruto ou aux races du Seigneur des Anneaux et de nombres d’univers de fantasy qui en reprennent les codes. Elle peut également se fonder sur d’autres caractéristiques des individus, comme les pouvoirs magiques qu’ils possèdent, à l’image de Darkest Minds ou d’Avatar, le dernier maître de l’air.

Les factions dans mes romans

Les factions sont omniprésentes dans la fiction. Elles aident à l’identification du lectorat, donnent des objectifs et des motivations aux personnages, colorent le lore et favorisent les dynamiques de conflits. Mes romans n’y ont donc pas échappé !

Dans Angélique Hacker, ce sont essentiellement les peuples du Mäasgard qui constituent des groupes distincts et identifiés. Les Elfes de Sandragon, la Tribu des Dragons Blancs de Dangador ou encore les Sorcières des Sables constituent pour Angèle autant de familles avec leurs coutumes propres qui s’unissent pour protéger leur monde.

Dans Les Portes du chaos, la division n’est plus géographique mais bien guerrière : l’armée d’Ytias et la Guilde d’Archos affrontent ensemble la terrible armée d’Anthor, tandis que nos héros s’efforcent de trouver leur place dans ce conflit. La diversité des obédiences du groupe (un aspirant chevalier, une archère, un forgeron, un voleur, deux mages…), à l’image des compagnies d’aventure, leur confère en outre quelques avantages pour se sortir des mauvais pas…

Dans Les Ombres d’Aleyssia, la division redevient géographique et ethnique, avec les différentes villes et races, qui sont cette fois sous la juridiction d’une seule et même couronne. Quelques guildes viennent enrichir le lore, mais elles ont moins d’importance dans l’intrigue que les différentes divinités ou les spécialités des membres de la compagnie. Peut-être le spin-off sur la reine Arisa leur donnera-t-il un rôle clé ? 😉 Affaire à suivre !

Et vous, quelles sont vos factions de cœur ? Dites-moi dans les commentaires !

À très vite !

S.T.

Écrire est un métier – La figure de l’écrivain·e : (dé)considérations

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Écrire, c’est de l’art. C’est de la technique aussi. Des considération financières également. Mais aussi une relation particulière avec la société. Parce que comme beaucoup d’activités fantasmées, l’écriture est un métier souvent mal compris…

Dédicace… à soi-même

« Tu veux faire quoi quand tu seras plus grande ?
— Écrire des romans !
— Mais c’est pas un métier, ça ! Tu feras ça à côté de ton vrai métier. »

Ces paroles ne sont pas tirées d’un roman, mais de la vie réelle. Ce sont des mots que j’ai entendus lorsque j’avais à peine dix ans. Autant vous dire qu’après ça, aller au bout de l’écriture de mon premier roman a été un long combat. Comme je l’ai dit dans le précédent billet, l’écriture de romans est intrinsèquement très difficile du fait de l’endurance énorme nécessaire. Mais quand, en plus, on vous explique que vous ne pourrez pas vous y consacrer à plein temps et que vous devrez le faire à côté, sur de petits bouts volés de votre temps libre, on comprend tout de suite pourquoi l’écriture d’un seul roman finit par s’étaler sur plus de dix ans.

À l’heure actuelle, toute sa vie, l’écrivain·e s’entend dire qu’écrire n’est pas un vrai métier. Que ce soit sa famille qui voudrait qu’iel gagne beaucoup d’argent avant que d’être épanoui·e, la société qui croit qu’écrire est un passe-temps amusant et facile, l’État et les maisons d’édition qui refusent de payer les auteur·rices pour leur travail (mais qui veulent bien leur demander de l’argent, en revanche)… le monde entier lui montre que sa vocation ne mérite aucune considération. Dès lors, à l’endurance demandée intrinsèquement par la longueur technique de l’exercice, s’ajoute une ténacité pour résister à une telle pression psychologique.

Je ne dois mes livres qu’à moi-même et à mon lectorat, parce que le reste du monde ne cesse de répéter qu’écrire n’est pas un vrai métier. J’ai dû écrire contre les injonctions de toutes parts à me concentrer à une carrière plus « solide », à des activités plus sociales, à des considérations plus « terre à terre »… Car une chose est sûre : on n’écrit pas des romans en n´y consacrant pas beaucoup de temps, en n’étant pas capable de rester des heures solitaires avec sa plume et sa feuille et en ne sachant pas se laisser rêver à l’improbable.

Des obstacles exogènes

Écrire prend du temps. Beaucoup de temps. Énormément de temps. Les heures nécessaires pour produire cet objet qui tient dans la main sont si nombreuses que le résultat en paraît dérisoire. Quand j’étudiais les sciences, on évoquait souvent le fait que, pour certaines, et notamment en astrophysique, les équipes de recherche pouvaient passer des décennies à travailler sur un seul et même projet, tant le temps de réalisation est long comparé à d’autres métiers où les projets se comptent en centaines sur une seule année. Eh bien, l’écriture tient la comparaison.

Seulement voilà : dans notre société actuelle, tandis que vous écrivez, vous ne gagnez rien. Or, contrairement à ce que raconte la légende urbaine, l’écrivain·e ne vit pas dans une forêt d’air pur et d’eau de pluie. L’auteur·rice doit donc gagner de l’argent avec autre chose en attendant de pouvoir le faire avec ses livres. Ce qui, finalement, ne laisse pas beaucoup de temps pour écrire…

Mais encore, si le temps suffisait pour écrire ! Car non, ce n’est pas parce que je me pose devant mon cahier ou mon ordinateur que les mots pleuvent sur commande. J’en ai parlé dans le premier billet de cette série, parfois l’inspiration manque cruellement. À ces égards, le lectorat peut parfois se montrer impitoyable. Si vous ne produisez pas, ne faites pas acte de présence, il peut rapidement se détourner de vous pour chercher des stimulations à plus haute fréquence. Or la présence du lectorat, son attente, ses encouragements, ses espoirs… sont une partie de la motivation qui vous fait tenir le marathon. C’est un coup dur lorsque vous émergez à peine ; pensez donc lorsque vous commencez et que vous n’avez pas encore de lectorat ! Vous devez trouver la motivation ailleurs, croire en vous-même envers et contre tout, sans quoi rien, absolument rien ne fera glisser le stylo sur les pages.

L’écriture, plus qu’un métier

Pour moi, l’écriture est un vrai métier, pas un simple divertissement. On peut débattre des heures sur la définition d’un métier ou d’un divertissement. Mais dire que les personnes qui écrivent ne font que s’amuser et qu’à ce titre elles ne méritent pas une considération professionnelle (et par là, j’entends autant sociétale que financière) me semble une preuve flagrante d’ignorance de la réalité de cette activité.

Plus encore qu’un simple métier (ce qui est déjà beaucoup en soi), l’écriture est pour moi un véritable combat. Combat contre moi-même, pour conserver ma motivation et aller au bout de mes idées. Combat contre le temps pour écrire tous les jours et achever mes manuscrits. Combat contre le sentiment de défaite quand je suis solitaire devant ma page blanche ou sur ma propre page Facebook.

Mais surtout, l’écriture est comme l’air dans mes poumons ou le sang dans mes veines : je ne pourrais pas arrêter d’écrire même si je le voulais ! Écrire me permet d’évacuer mes émotions, d’exprimer mes idées, de garder espoir en des mondes meilleurs, bien sûr… Mais lorsqu’une idée me vient et qu’elle me dit de son ton à la fois calme et impérieux « tu dois l’écrire, maintenant », elle ne me dit pas de le faire pour une raison ou une autre. Elle me dit de le faire parce qu’elle existe, tout simplement. Cette seule raison suffit à me pousser à ne pas l’abandonner.

Est-ce parce que la plupart des gens exercent un métier qui ne les passionne pas qu’ils oublient à quel point on peut aimer le sien ? Peut-être devrions nous cesser de mesurer le mérite à l’aune de la souffrance et considérer un peu plus la dimension d’amour et la passion non comme un confort accessoire mais comme un objectif central…

D’ici la victoire des auteur·rice·s, j’espère parvenir à vous faire encore rêver avec mes romans faits selon mes moyens, mais toujours avec amour et passion !

À très vite !

ST

Écrire est un métier – Les finances : combien je gagne avec mes livres

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Lorsque vous dites que vous écrivez, la plupart des gens partent du principe que vous faites cela sur votre temps libre, que ce n’est qu’un divertissement et que vous avez un « vrai » métier à côté. Pourtant, une question revient toujours, qu’on ne me pose jamais lorsque je parle de ma passion pour les jeux vidéo par exemple : tu les vends, tes livres ? Et surtout : tu touches combien ? Vous l’aurez compris, dans ce billet, on va parler pépettes et aussi s’aventurer dans la grande question : qu’est-ce qui rapporte le plus, de l’ebook ou du broché ?

Combien je gagne avec mes livres

Autant le dire tout de suite : je ne gagne presque rien avec mes romans. J’ose espérer que ce ne sera pas une réponse définitive ! Mais en attendant, au moment où j’écris ce billet, après deux ans et demi et trois romans publiés, j’ai vendu 33 exemplaires et gagné 55 euros. Oui, vous avez bien compté, moins de 1,70 euros par livre. Alors qu’ils sont vendus 5 euros pour le moins cher.

Bon, déjà, on doit retirer aux 33 exemplaires les 10 vendus sur Kobo et la Fnac qui ne rassemblent pas le montant suffisant pour récupérer les redevances. Eh oui, car si KDP vous verse vos redevances quel qu’en soit le montant, KWL ne vous les vire qu’au-dessus d’une certaine somme. Le volume, toujours le volume… Cela ne fait toujours guère que 2,40 euros par livre. Mais où sont donc passés les 2,60 euros restants ? Pour le savoir, vous devez comprendre deux choses : la composition du prix du livre et la différence entre un broché et un ebook.

Comment est déterminé le prix de mes livres ?

Pour fixer le prix de mes livres, un petit calcul s’impose. La première question qui vient est « quel prix le lectorat trouvera-t-il convenable ? » La tentation serait de répondre « gratuit, bien sûr ! » La réalité n’est pas si simple. D’abord parce que la relation entre prix et impression de qualité est très complexe et qu’un même prix aura des effets très différents en fonction de la personne et du produit. Dans tous les cas, rien ne garantit que la gratuité fonctionne à tous les coups. Mais surtout, la gratuité n’entre même pas dans les options possibles : si les auteur·rice·s étaient rémunéré·e·s pour leur art, leurs livres pourraient peut-être être proposés gratuitement. Or dans le système actuel, les écrivain·e·s ne sont que peu voire pas rémunéré·e·s pour leur travail, à moins de vendre les livres. En attendant l’aboutissement d’un changement du système, le prix de mes livres est donc par défaut supérieur à zéro.

Ceci étant posé, comme je l’ai dit, évaluer le prix adéquat en fonction du produit peut s’avérer très complexe. Le moyen par défaut le plus simple que j’aie trouvé pour l’instant était de comparer les prix du marché et de suivre les conseils de pairs1. Ceci constitue une première base, mais d’autres facteurs que la convenance du prix pour le public entrent en ligne de compte. En particulier, les frais divers et variés de fabrication, d’envoi ou encore de taxes… Sur ce point, le livre numérique et le livre papier diffèrent très nettement. Je vous détaille cela après.

Mais avant cela, vous devez bien saisir que lorsque vous payez un produit 10 euros, vous ne donnez pas 10 euros à la personne qui l’a créé ou fabriqué. Vous donnez 10 euros qui sont ensuite répartis entre toutes les parties impliquées… et qui peuvent être très nombreuses. Oui, même en autoédition, même quand l’auteur·rice réduit les investissements au minimum ! Je passe rapidement sur les coûts cachés, ce billet n’étant pas un guide de l’édition (mais je pourrai en rédiger un si cela vous intéresse), mais même en choisissant les options les moins coûteuses, en prenant moi-même en charge la correction et la couverture, en publiant sur des plateformes gratuites… je ne publie tout de même pas pour zéro euros. En vrac dans les frais qui me sont finalement tombés dessus dans mon aventure autoéditée : le plan WordPress et le nom de domaine du site, quelques frais postaux, les coûts d’envoi des épreuves…

Mais si on ne compte pas les frais supplémentaires que je paye et que l’on reste uniquement sur la composition du prix du livre en tant que tel, on s’aperçoit qu’une partie ne me rapporte pas. En premier lieu, entre en jeu la plateforme de publication, en l’occurrence Amazon KDP et Kobo WL en ce qui me concerne. Sur un ebook à 4,99 euros, je ne touche que 70 %, soit 3,49 euros. Sachant que sur mes 23 exemplaires vendus, 8 étaient des ebooks, nous restent 27 euros pour 15 brochés. Soit 1,80 euro par livre ! Comment, cela descend encore ?! C’est là que nous arrivons à la partie la plus intéressante : la différence entre le livre numérique et le livre papier, et pourquoi vous soutiendrez bien mieux un·e auteur·rice en achetant le premier que le second.

Des différences entre broché et ebook

Si vous lisez des livres numériques, vous l’aurez probablement très vite remarqué : les prix sont différents entre ebook et broché, le premier étant nettement moins cher que le second. Pour le lectorat du moins.

Car côté auteur·rice, la différence est un peu plus complexe. Le broché comporte en effet un élément qui change tout : l’impression, laquelle a un coût. Reprenons donc le système de redevances de KDP. Pour l’ebook, je gagne 70% du prix public, Amazon récoltant le reste. Mais pour le broché, le calcul est différent. Pour commencer, la redevance sur broché n’est pas de 70%… mais de 60%. Ensuite, les 60% ne s’appliquent pas au prix public TTC mais HT (coucou la TVA). Mais à ce stade, vous n’avez pas encore vos redevances. Vous devez encore retrancher les coûts d’impression. Pour indication, ces derniers s’élèvent à 3,43 euros pour Les Portes du chaos et 4,81 euros pour Les Ombres d’Aleyssia. Et voilà comment ne plus gagner que trois euros sur un livre vendu une dizaine !

Pour résumer, le livre papier coûte plus cher au lectorat et rapporte moins à l’auteur·rice que le livre numérique. Je comprends tout à fait les arguments en faveur du livre papier et loin de moi l’idée de les comparer pour décider lequel est le meilleur. D’ailleurs, si je produis les deux, c’est bien parce que je ne vois aucun intérêt à les mettre en opposition. Je voudrais simplement tempérer l’ardeur de la défense du livre papier en rappelant qu’au-delà des arguments en faveur ou en défaveur de l’un ou l’autre format, le prix vient remettre les choses à plat. Si on parle revenus, l’ebook est plus intéressant pour moi. MAIS ! Ce serait une erreur que de s’arrêter au prix à l’unité. Car si un facteur revêt une importance capitale pour les écrivain·e·s, c’est bien le nombre d’exemplaires vendus ! Voilà pourquoi je peux gagner davantage avec mes livres brochés que numériques : simplement parce que le lectorat décidera d’acheter plutôt le premier que le second.

Vous l’aurez constaté, les histoires financières aux pays du livre sont bien complexes… pour finalement rapporter si peu. Mais hauts les cœurs, je ne désespère nullement de toucher mon public et de finir par vendre de plus en plus ! Sachez en tous cas qu’à chaque fois que vous achetez un livre à un·e auteur·rice autopublié·e, cela a une incidence énorme !

Merci donc à tout mon lectorat qui me lit, achète mes ouvrages et en parle, car sans vous, l’art tournerait en vase clos… Je vous retrouve prochainement pour la troisième et dernière partie de ce billet !

À très vite !

ST

[1] Notez que je pourrais aussi déterminer le prix du livre en fonction du travail effectué et de mes besoins pour vivre, comme cela se fait dans nombre de métiers. Considérant le temps nécessaire pour produire un livre, je devrais donc le vendre quelques milliers d’euros… Un prix que, je n’en doute pas, vous n’accepteriez pas de payer ! D’où l’option privilégiée de fixer un prix à l’unité bien plus bas et de compter sur le nombre d’exemplaires vendus. Un sujet que je pourrai aborder dans un prochain billet…

Écrire est un métier – La technique, ou les mauvais côtés de l’écriture

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Par une mise en abyme cynique, l’écriture est une activité bien souvent romancée. Écrire des livres est perçu comme un passe-temps glamour, uniquement fait d’amusement, pratiqué par des personnes si riches que l’oisiveté leur laisse le temps de gâcher du papier en y vomissant tout ce qui leur passe par la tête. La réalité est bien évidemment très différente. Je me pencherai dans un autre billet sur les considérations pécuniaires ; je voudrais ici m’attarder sur les aspects inhérents à l’écriture, ou pourquoi l’écriture n’est pas seulement un hobby, un passe-temps, un amusement ou un simple divertissement, mais un vrai travail avec des joies et des peines. Parcourons-les donc en suivant le déroulement d’un projet d’écriture.

La page blanche, ou ces moments de la rédaction où l’inspiration ne vient pas

Toutes les personnes qui consacrent du temps à l’écriture le savent et l’ont vécu : un·e auteur·rice finit toujours à un moment ou un autre par se retrouver devant une page blanche. Je casse tout de suite le mythe de l’inspiration divine : les œuvres ne sont pas soufflées aux écrivain·e·s par des anges et d’une seule traite ! Une part de don inné, de créativité et de propension à avoir spontanément des idées est bien sûr indispensable au métier d’écrivain·e ; avec cela, l’auteur·rice doit aussi faire preuve d’un talent assidûment travaillé, d’une capacité à s’interroger et d’une volonté de s’améliorer (je ferai un billet sur le sujet, si cela vous intéresse). Un roman ne se pond pas en une nuit, mais est le fruit d’un long travail acharné. Comme dans tout travail, l’écrivain·e ne peut pas être au maximum de sa forme tout le temps. Parfois, les idées ne viennent pas. Parfois, la fatigue, le découragement, l’impression de déjà-vu, la peur, la honte… viennent saisir les poignets de l’auteur·rice et les lui lier dans le dos.

Écrire un roman est très plaisant : on joue à être une divinité et à contrôler tout un monde ; on rencontre des personnages et on s’en fait des ami·e·s ; on voyage et on laisse parler ses émotions. De temps en temps, c’est aussi très pénible : parce qu’on doit trouver quoi écrire entre deux scènes palpitantes ; parce qu’on doit faire attention à ce qu’on écrit si on veut être lu·e ; parce que si on veut écrire un roman en entier, ça prend du temps, beaucoup de temps. Je suis certaine que presque tout le monde l’a déjà expérimenté : écrire son journal intime, c’est toujours fun, car entièrement libre et sans contraintes ; écrire une dissertation, c’est plus compliqué, voire très pénible si on n’aime pas ça. Or un roman se rapproche parfois plus d’une dissertation que d’un journal intime, quand bien même on n’y distille pas de grandes idées révolutionnaires.

La relecture et correction, très pénible quand on n’a pas les compétences

Un aspect souvent méconnu et négligé dans la fabrication d’un livre : le travail n’est pas terminé une fois la rédaction finie ! Les premiers jets sont toujours à reprendre. À cette étape, la création devient beaucoup moins libre, on doit juger son propre roman, repasser encore et encore sur des passages que l’on connaît par cœur.

Surtout, une des étapes de post-production n’a l’air de rien parce qu’on en parle très peu, mais elle se trouve être bien plus complexe qu’on l’imagine : la correction. Je pourrai développer cela dans un billet si cela vous intéresse, mais sachez déjà que la correction d’un texte ne consiste aucunement à se contenter de passer un correcteur orthographique. Corriger un texte, ce n’est pas seulement vérifier l’orthographe : c’est aussi contrôler la conjugaison et la concordance des temps, ajuster le vocabulaire, harmoniser le style, réparer la grammaire et la construction des phrases… C’est aussi une multitude de règles typographiques (capitales, ponctuation, espaces…), un univers en soi que ne connaissent bien souvent que les professionnel·le·s du secteur.

Autrement dit, on sort là déjà partiellement du métier propre à l’écrivain·e. Si écrire est difficile, cela reste inhérent à l’activité d’auteur·rice. Corriger, en revanche, est également un métier en soi. Sans les compétences nécessaires, un·e écrivain·e qui ne confie pas ce travail à un·e expert·e a toutes les chances de laisser des erreurs dans son ouvrage. Or ce sont précisément ces erreurs de forme, inconsciemment (ou consciemment !) perceptibles par le lectorat, qui font sortir ce dernier de sa lecture, en dépit de la qualité de fond du texte. Dommage ! Cette étape, qui semble n’être qu’un simple coup de plumeau, est en réalité à prendre avec le plus grand sérieux.

Même quand on dispose des compétences requises pour s’en acquitter, cette tâche demeure fastidieuse, longue et bien moins attractive que l’étape précédente de création. Alors, bien sûr, on trouvera toujours des énergumènes (comme moi) qui vouent une véritable passion aux insécables, aux capitales accentuées et aux tirets demi-cadratins, mais nombre d’auteur·rice·s ont l’amour des récits et de l’écriture sans forcément avoir celle des subjonctifs imparfaits, des verbes pronominaux réfléchis et des règles d’accord du participe passé. Pour ces dernières personnes, l’étape de correction peut donc représenter un vrai calvaire.

Les alpha et bêta-lectures, ou la boxe de l’estime de soi

Le livre est écrit, relu, corrigé, récrit… On a bien envie de le faire lire à présent. Mais avant de le jeter en pâture au lectorat, on voudrait quand même bien avoir un premier avis, histoire de s’assurer que le roman est vraiment prêt. Un œil extérieur, qui pourrait relever des défauts que nous n’avons pu voir. C’est le rôle de l’alpha-lectorat (avant la relecture et correction, voire pendant la rédaction) et du bêta-lectorat (après la relecture et correction).

Cette étape est à la fois excitante et très difficile. Non pas techniquement, mais plutôt émotionnellement. C’est, généralement, la première fois que notre précieux roman va recevoir des critiques et voir tous ses défauts pointés. C’est le moment où, après tous les efforts fournis pour écrire l’ouvrage en entier, on va nous dire que des choses ne vont pas dedans. Alors qu’on arrive à cette étape à la fois épuisé·e par le travail fourni jusque-là et excité·e par l’imminence d’une publication, la relecture par une tierce personne nous met face à une terrible éventualité : celle de devoir retourner aux premières étapes, de devoir récrire, voire repenser son intrigue ou ses personnages. Et donc, potentiellement, de devoir refaire un tour par l’étape de correction, puisqu’on aura modifié le texte.

Abandonner un projet de roman est très fréquent au moment de la rédaction. On peut vouloir s’être lancé·e pour mille raisons et vouloir finalement arrêter pour d’autres, et cela n’est pas un mal. Tout le monde peut écrire, mais tout le monde ne peut pas devenir écrivain·e. Abandonner pendant la relecture et correction me semble beaucoup plus rare : à ce stade, le roman est écrit, ce n’est qu’une étape fastidieuse à passer, mais elle est délimitée par la longueur même du roman. Abandonner pendant la relecture par une tierce personne me paraît plus probable : cette fois, non pas parce que les idées sont taries, parce que l’écriture ne fonctionne pas, parce qu’on a changé d’avis… mais simplement parce que ressort pour l’auteur·rice de cette alpha ou bêta-lecture que le roman est trop mauvais pour être publié et que le travail pour le rendre potable serait bien trop important. La rédaction est une chaîne de montagnes à gravir. L’alpha et la bêta-lecture sont l’épreuve du feu.

L’aspect technique de l’autoédition : vraiment bloquant quand on ne sait pas faire !

Le livre est écrit ? Corrigé ? Relu ? Récrit, recorrigé, rerelu mille fois ? Bravo ! Ce n’est pas fini… Au-delà de son contenu, le livre est un objet en soi (même dans son format numérique !). Comme tout objet, il demande à son tour un travail bien minutieux pour se matérialiser. On revient là de nouveau aux considérations techniques. Si la correction demandait une maîtrise du français et de la typographie, la publication y ajoute des notions de fabrication de livre et d’informatique qui conduisent bon nombre d’écrivain·e·s à reconsidérer le rôle de la maison d’édition.

Alors, vous pouvez toujours faire comme je l’ai fait pour mon « roman » 0 de dix pages (la courte romance que j’avais écrite à l’école primaire, avant Angélique Hacker) et imprimer votre ouvrage sur des feuilles A4 puis les relier avec de la ficelle. Mais soyons honnêtes, je pense que vous feriez la même tête que si je vous vendais un vélo électrique et qu’en guise dudit objet je vous livre un vélo mécanique sur lequel j’ai fixé un panneau solaire au ruban adhésif… Comme tout objet de qualité professionnelle, un livre papier ou numérique suit des règles de fabrication bien spécifiques.

Là encore, tout le monde n’est pas spécialiste du sujet, loin de là, et on comprend alors la diversité des métiers du livre. Mais là où le livre se situe entre deux mondes, c’est que tout en étant un objet complexe difficile à réaliser seul·e, il est aussi un objet d’art que l’on peut tout à fait réaliser de A à Z soi-même. Et lorsque la rédaction demande une curiosité à l’égard du monde, des gens, de la psychologie et des phénomènes sociaux pour écrire des récits consistants, la publication demande celle envers l’artisanat propre au livre.

Vous trouverez des auteur·rice·s qui ne se sont pas encombré·e·s de ces considérations et se sont contenté·e·s de balancer un PDF au hasard sur Amazon. Vous comprendrez aussi pourquoi l’autoédition souffre encore d’une image d’amateurisme. Mais si vous souhaitez que vos pages tombent bien, que vos ebooks ne comportent pas de bugs, préparez-vous à passer des heures et des heures sur vos fichiers dûment écrits, relus et corrigés pour simplement les mettre en forme. Une étape que l’on aurait tort de négliger parce que c’est la mise en accessibilité du livre qui lui permet d’être lu.

La dimension légale et administrative, un vrai casse-tête

Vous avez vaincu les veuves et orphelines de votre maquette de broché ? Vous vous êtes escrimé·e en vain avec les insécables sur votre livre numérique ? Bon, vous allez pouvoir cliquer sur publier maintenant… Attendez ! Vous croyiez vous en sortir si facilement ? Ha ha, que nenni ! Comme toute action qui met en relation des êtres humains, la publication d’un livre obéit à des règles. Règles qui ont pris la forme de lois, pour organiser un peu ce secteur foisonnant. Allergiques à la paperasse administrative, préparez-vous ! Si vous n’aviez abandonné ni à la rédaction, ni à la correction, ni à la relecture, ni même à la préparation technique, rassemblez votre courage car vous allez entrer dans les méandres des règles légales du livre !

Statut fiscal, mentions légales, déclarations, ISBN, dépôt légal… Encore une différence avec l’écriture de fanfictions purement ludiques pour s’amuser et passer le temps, publier un livre en tant que tel demande de se poser quelques questions supplémentaires. Contrairement aux règles techniques de mise en forme qui restent relativement stables dans le temps, les lois ont en plus la facétie de varier au fil des années. Dernier exemple en date : l’intégration de l’autoédition dans le régime des artistes-auteurs. Et si en faisant fi des règles lors des étapes précédentes, vous risquez seulement de ne pas être lu·e, cette fois vous risquez surtout d’être en infraction avec la loi. Beaucoup plus dangereux, bien moins rigolo.

La galère du marketing : de la difficulté à se faire connaître et à trouver un lectorat… ou quand le roman ne plaît pas et que l’estime de soi prend (encore) un sacré coup

Bon, allez, vous avez passé toutes les épreuves, vous avez le droit de cliquer sur « Publier ». Ouf ! Fin de l’aventure ? Si les romans se vendaient tous seuls, ça se saurait… Même une fois votre livre terminé et publié, vous n’avez jamais vraiment fini d’en entendre parler. Tout simplement parce que le faire connaître est un autre travail en soi.

Bien sûr, là aussi, vous pourriez hausser les épaules et ne pas vous en préoccuper plus que cela. Ce que je comprendrais totalement. Pour ma part, je n’ai jamais écrit dans l’optique que ce soit uniquement pour moi. Bien sûr, j’écris énormément pour moi, dans le sens où mes romans me plaisent avant tout. Je ne réfléchis pas un roman d’abord en fonction de ce qui va plaire au public, mais de ce qui me plaît à moi, au moins dans un premier temps. Mais si je voulais les garder pour moi, je ne prendrais pas la peine de les publier. Si je les publie, c’est bien parce que je veux les vendre et les faire lire à un maximum de gens. Je veux que le lectorat découvre ma plume, s’en fasse un avis et partage les aventures merveilleuses que j’ai dans ma tête.

Mais pour faire cela, quelques notions de mercatique sont indispensables. En ce qui me concerne, autant j’ai la chance de posséder les compétences nécessaires pour la relecture et correction ainsi que la curiosité, la passion et la culture utiles pour affronter la phase technique, autant en matière de marketing et de publicité, je suis une totale novice en la matière. Pour ne pas dire une ignorante. Et je peux bien l’avouer : que de déception, après tout ce travail, après toutes ces étapes si difficiles à gravir, de voir la mèche refuser obstinément de s’allumer…

La longueur des projets qui demandent de tenir dans la durée

De toutes ces étapes, vous aurez peut-être retenu deux choses essentielles : la variété des tâches qui incombent à l’écrivain·e (autopublié·e) et surtout leur longueur. L’écriture d’un roman, de sa première idée à sa publication, est un processus incroyablement long. On a déjà du mal à faire se rendre compte les non-initiés du temps et du travail nécessaires pour réaliser un dessin, un film, une chanson… Mais en ce qui concerne les romans, la barre me paraît encore au-dessus. Peu de projets prennent autant d’années. Surtout, écrire un roman semble facile : cela ne demande « que » d’écrire des mots sur du papier, tout le monde peut le faire ! Pas besoin de moyens techniques compliqués comme pour un film ou un jeu vidéo, ni de connaissances spécifiques comme pour un dessin ou un sculpture ! Détrompez-vous. Poser des mots sur le papier peut s’avérer bien plus technique qu’il n’y paraît. Surtout, le travail que cela requiert ne s’arrête pas à la seule écriture des mots. Trouver les idées, les réfléchir et les agencer, travailler son style, mettre en forme le roman… Écrire un roman est un travail de longue haleine, avec un résultat bien moins immédiat que ce qu’on peut obtenir aux fourneaux par exemple. En plus de l’inspiration, du style et des compétences techniques, l’écriture de romans demande une ténacité sans faille, un amour inconditionnel de ses personnages qui nous en font voir de toutes les couleurs, un acharnement à voir son histoire prendre corps jusqu’au bout. Vous aurez beau rester des heures sur une chaise, vous allez suer.

Où est-ce que je veux en venir en énumérant les aspects les moins drôles de l’écriture ? Mon propos n’est certainement pas de dénigrer l’amusement, les passe-temps et hobbies qui ne sont que pure détente « improductive », bien au contraire ! Ni comparer l’écriture à d’autres activités artistiques ou artisanales effectuées de manière professionnelle ! Je veux simplement montrer que l’écriture de romans complets et leur publication, au-delà du seul plaisir d’écrire quelques lignes ou fictions de temps à autre, n’est en rien un loisir, mais un vrai travail, au sens premier du terme.

De la même manière que nous avons tous·te·s déjà gribouillé quelques dessins, parfois très beaux (parfois pas du tout !), pour le plaisir, mais que faire de l’illustration son métier n’a plus grand-chose à voir. De même, écrire un roman dans une démarche professionnelle ne peut pas être considéré comme un simple jeu accessible à n’importe qui. Il s’agit bien d’un travail, que l’on choisit d’embrasser avec ses contraintes.

C’est pourquoi en ayant énuméré ces dernières, je n’ai pas mis les revenus faibles voire inexistants dans la liste, car ce n’est pas un trait inhérent au métier mais un choix de la société actuelle de déprécier l’écriture et les écrivaines. Je vous partagerai mon sentiment sur l’aspect financier dans la suite de ce billet…

À suivre !

ST

Histoire d’une publication : Les Portes du chaos

Avec « Histoire d’une publication », je vous emmène dans les coulisses de la création de mes romans. Découvrez-en plus sur le récit derrière le récit !

Après vous avoir conté l’aventure de mon premier roman publié, Angélique Hacker, continuons avec le deuxième, Les Portes du chaos. Celui qui avait commencé comme un exercice de style sans grande ambition a finalement trouvé sa place dans la famille de mes ouvrages.

La genèse : faisons un journal

L’histoire des Portes du chaos commence à la fin de l’automne 2006. Je suis en classe de 5e et des profs du collège ont eu l’idée de lancer une activité fort ludique : un club journal. Notre groupe de vingt élèves et quatre enseignant·e·s se fixe pour objectif de rédiger une feuille de chou pour l’établissement, avec ses rubriques inspirées des magazines : littérature, cinéma, sciences, animaux, recettes, jeux… Dans un élan de volontarisme enflammé par ma passion pour l’écriture et l’opportunité que je vois briller devant moi, je propose de rédiger un feuilleton pour le journal, comme ceux en vogue au XIXe siècle.

Ma proposition est acceptée. Je suis au comble de l’enthousiasme. Reste à présent à trouver un récit à proposer à notre lectorat. Pas question pour moi d’utiliser Angélique Hacker à cette fin. Je dois inventer une nouvelle histoire. Armée de mon meilleur ami le cahier, je commence tout de suite à rédiger des fiches de personnages… pour une amourette collégienne. Deux pages de fiches vite faites pour les deux protagonistes et j’enchaîne sur la première page du brouillon. Au bout d’une quinzaine de lignes, je rature mon texte d’une grande croix et j’appose la mention « Rapé » au bas des fiches. Ça ne va pas du tout. Cette histoire est nulle. Elle ne plaira à personne, pas même à moi.

J’ai besoin de quelque chose d’un peu plus sérieux, un peu plus ambitieux. Un récit que j’ai vraiment envie d’écrire. Les romances, j’aime bien en regarder et en lire à petite dose, mais en rédiger, je l’ai déjà fait (souvenez-vous, mon tout premier projet d’écriture, avant Angèle) et je m’y suis vite sentie à l’étroit. L’amour, c’est notre obsession, surtout à cet âge. Mais moi, qu’est-ce que j’aime encore plus, qu’est-ce qui me fait davantage vibrer, qu’est-ce qui fait voler dans mon estomac non seulement des papillons mais aussi des dragons ? La fantasy, bien sûr… J’ai besoin de magie, d’évasion et d’aventure épique. Tant pis si tous mes camarades ne me suivent pas dans mon histoire, c’est cela que j’ai besoin d’écrire. Est-ce risqué d’entamer un deuxième roman de fantasy alors que j’en ai déjà un en cours d’écriture ? Oui mais voilà : mener un seul projet à la fois, je ne sais pas faire…

Je tourne la page et recommence mes fiches. Cette fois, je m’étale un peu plus. Mon protagoniste, puis l’univers, les races, les créatures, les métiers, puis d’autres personnages, et des dessins, et une carte avec des villes, des forêts, des montagnes… Je suis à sept pages. Manifestement, je suis bien plus inspirée cette fois. Je tiens peut-être le bon bout.

La rédaction : pas de brouillon sur cahier

J’attaque la rédaction, non pas sur un cahier, mais directement sur l’ordinateur, comme si j’étais sûre que cette histoire était la bonne et que c’était elle que j’allais livrer au journal. Mon récit n’a pas encore de nom et je nomme le fichier « Le Feuilleton Littéraire », comme il sera titré dans le canard.

La rédaction coule cette fois beaucoup plus vite. Je n’ai qu’une page à produire par numéro, pour seulement quatre numéros dans l’année. Je prends soin de terminer chaque épisode sur une note de suspense. Mes fiches ont beau être succinctes, je vois les personnages s’esquisser dans ma tête. Elle est peut-être là, la différence entre mes projets abandonnés et ceux qui iront jusqu’au bout. Pour ces derniers, les personnages sont vivants.

Dédain collégien du public, manque de moyens, surcharge de travail pour les profs ou démotivation de l’équipe, je ne saurai jamais, mais le journal s’arrête à la fin de l’année scolaire, au bout de quatre numéros. Malgré les exemplaires de notre feuille de chou gisant sur le sol de la cour, j’ai tout de même obtenu quelques échos sur ma prose. Apparemment, mon récit ne serait pas mal. Je n’en saurai pas plus. Mais en quatre épisodes, j’ai atteint l’élément perturbateur de mon récit. C’est trop tard : Danaël, le protagoniste, a complètement pris vie dans ma tête. Je dois continuer et finir cette histoire. Peu importe la fin du journal du collège, qui n’était qu’un support. Je vais poursuivre la rédaction de mon côté, comme pour Angélique Hacker.

Entre Angèle sur son cahier (et rapidement sur l’ordinateur) et Danaël directement sur la machine, j’ai de quoi écrire. Pourtant, je prends quand même dix ans pour terminer le Feuilleton Littéraire. Après tout, je suis censée me concentrer sur un « vrai » métier et laisser l’écriture pour mon temps libre ? Ou comment ne pas mener un projet au bout (ou le faire trainer pendant des années quand, comme moi, on ne peut pas commencer un projet sans le terminer)… Heureusement, Danaël et ses amis peuvent compter sur mon attachement qu’ils ont su faire grandir au fil de leurs aventures.

La relecture et la publication : à la chasse aux maisons d’édition

Quand je tape le point final de cette histoire en juin 2016, elle n’a toujours pas de titre. Je prends sept mois pour la relire et la corriger méticuleusement. Angélique Hacker, que j’avais commencé bien avant, n’est toujours pas fini. Dans un sens, ça tombe bien. Je tiens énormément au Feuilleton Littéraire, comme à tous mes romans (même ceux que je n’ai pas menés à terme). Angélique Hacker étant mon tout premier vrai roman, il occupe cependant une place toute particulière dans mon cœur. Je sais par ailleurs pertinemment que décrocher un contrat d’édition est extrêmement difficile. En me renseignant sur les maisons d’édition, j’ai découvert l’autoédition. Je veux tenter ma chance auprès des maisons et être publiée comme mes auteur·rice·s préféré·e·s. Mais je n’ai aucunement l’intention d’attendre leur bon vouloir. Je crois en mes romans. C’est donc décidé. Le Feuilleton est le parfait candidat pour tenter ma chance auprès des maisons, tandis qu’Angèle se lancera à l’assaut de l’autoédition sans attendre.

Avant de préparer le Feuilleton pour ses candidatures, je tiens à lui faire passer une dernière épreuve : la bêta-lecture. J’ai rassemblé des tas de conseils sur la relecture et la correction des romans : le faire lire à une tierce personne en fait partie. Je confie la mission à mon compagnon de l’époque, qui s’en acquitte avec rapidité. En trois mois, je récupère mon tapuscrit, fort de ses remarques. Rien de massif à corriger, le boulot est rapidement bouclé. Le Feuilleton est prêt pour se présenter aux maisons d’édition… ou presque. Il a encore besoin d’un titre. Ce sera Les Portes du chaos.

Le roman passe quatre années à solliciter vingt-deux maisons, pendant que je termine mon travail sur Angélique Hacker. C’est peut-être là un avantage de mener plusieurs romans de front : cela aide à supporter l’attente des réponses. Tant que je suis occupée avec Angèle, je ne relâche pas mes efforts et continue à sélectionner des maisons et à préparer soigneusement mes envois. Je veux en tenter le maximum, avec un seul roman. Je sais que ce sera une affaire de chance et je sais aussi que je ne saurai pas rester éternellement dans l’attente.

La publication, deuxième épisode : retour au papier

Au milieu de l’année 2021, Angélique Hacker est déjà publié depuis plus de six mois, tandis que mon troisième roman est terminé, relu et a été confié à un nouveau bêta-lecteur. Je n’ai plus d’autre projet en cours (même si j’ai toute une liste d’idées), après avoir passé une dizaine d’années sur les trois qui atteignent enfin leur conclusion. Je décide alors de rappeler Les Portes du chaos au rapport.

Mon brave guerrier s’en sort avec quinze refus, quatre échecs (des prestataires à compte d’auteur déguisés en maisons ou bien des maisons en faillite qui supplient de fournir des textes gratuits au lieu de répondre à votre tapuscrit) et trois attentes de réponses qui datent tellement qu’elles peuvent équivaloir à un non informulé. J’estime que Danaël s’est bien battu et n’a pas démérité face à Angèle. Celle-ci l’invite à rejoindre l’aventure de l’autoédition, bras ouverts. J’acquiesce : le test des maisons a rempli ses objectifs, le temps est venu de passer à l’autopublication.

La magicienne du Mäasgard a assumé la lourde tâche d’être la première publiée, au format ebook. Le garçon de Bënagel remplira une nouvelle mission test : le format broché. Afin de m’y appliquer le plus possible, je décide même de le restreindre à ce format. J’ai beau avoir déjà sorti un ebook, je considère que publier un ebook est une chose, publier un broché en est une autre et publier dans les deux formats en est une autre encore. Malgré mon impatience et mon enthousiasme, je tiens aussi à soigner le plus possible mes travaux.

Je me plonge donc dans les guides de préparation du format broché, qui me donne un peu plus de fil à retordre que le format numérique. Heureusement, je peux compter sur deux choses : mes expériences professionnelles et ma passion pour le livre, tant dans son écriture que dans sa fabrication. En décembre, j’arrive enfin au bout de ce périple. Quand je tiens entre les mains pour la première fois un exemplaire des Portes du chaos, je ressens une émotion à la fois différente et aussi forte que lorsque Angélique Hacker s’est affiché pour la première fois sur ma liseuse. En repensant au chemin qu’il a parcouru depuis sa prépublication dans le journal du collège, je me dis qu’il a bien grandi, comme Angèle est passée de mon écriture enfantine à ma récriture adulte. Surtout, je suis satisfaite du résultat du format broché, que j’appréhendais un peu plus que le format numérique. Les deux ayant réussi à donner corps à mes romans, je me dis que je peux désormais éditer dans chacun des formats. Je dois seulement étudier les contraintes inhérentes à la publication d’un même ouvrage dans deux formats différents. Cela tombe bien, j’ai un troisième projet qui arrive à son terme…

À suivre !

ST